L’initiative populaire “Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS” a été déposée vendredi 15 février 2013 auprès de la Chancellerie fédérale munie de plus de 111’000 signatures valables.
En résumé
Lancée par le PEV, le PCS, le PS, Les Verts et l’USS, cette initiative propose l’instauration d’un taux d’imposition fédéral unique de 20% sur les successions dépassant CHF 2 millions. 1/3 des recettes de cet impôt sont reversées aux Cantons, qui auront transféré à la Confédération leur compétence en la matière (et donc aboli leur impôt successoral cantonal si existant), 2/3 des recettes seront affectées à l’AVS.
La situation actuelle
Chaque canton est actuellement souverain en matière d’imposition des successions. De fait, les situations y sont très différentes mais s’accordent sur un point: il n’existe nulle part d’imposition des successions destinées aux conjoints et seuls quatre cantons imposent les successions destinées aux descendants, à des taux très bas (1.0%-3.5%, voir ce document du Crédit Suisse qui détaille la situation). Dans les pays voisins, la situation est toute autre: l’Allemagne impose les successions à hauteur de 30%, la France et la Grande-Bretagne à 40% et les Etats-Unis à 49%. La Suisse resterait ainsi très concurrentielle malgré un taux prévu de 20%.
Pourquoi imposer les successions ?
- Freiner la concentration des richesses : En Suisse, 1% de la population possède autant que les 99% restants. Dans un système où les grandes fortunes peuvent être léguées sans imposition, la concentration des richesses ne peut que se renforcer avec le temps.
- Renforcer l’AVS : Avec l’augmentation de l’espérance de vie, le fonds de compensation de l’AVS voit sa marge réduite. Grâce aux recettes d’un tel impôt, les augmentations de cotisation et/ou de l’âge de la retraite pourront être évitées ou atténuées.
- Une succession est une source de revenu : Pourquoi donc ne pas l’imposer, à l’image des autres “augmentations de fortune” obtenues sans avoir travaillé (comme les gains de loterie, par exemple) ?
- Harmoniser la situation intercantonale : Dans certains cantons (voir document cité plus haut), les successions en dehors de la famille sont taxées à des taux élevés (jusqu’à 49.5%). L’initiative ne crée pas un nouvel impôt mais conduit à une réforme fiscale plus claire.
Spécificités de l’initiative
- La classe moyenne dispensée : l’imposition ne concerne que les successions de plus de CHF 2 millions. De plus, CHF 20’000.- par donataires et par an sont exonérés.
- Exonération de la part du conjoint survivant : Selon le droit du régime matrimonial, la part revenant au conjoint survivant est soustraite à la fortune totale et n’est donc pas imposée.
- Les PME et entreprises familiales bénéficient d’un régime particulier : Dans la mesure où l’exploitation de l’entreprise est poursuivie, l’initiative prévoit une exonération allant jusqu’à CHF 8 millions, puis un taux d’imposition de 10% seulement. Les entreprises agricoles ne seraient pas du tout imposées.
- Organisations d’utilité publique : les successions au profit des fondations, oeuvres d’utilité publique, partis ou églises sont exonérées de l’impôt en question.
Commentaire
Cette imposition des successions n’est pas une nouvelle charge fiscale prélevée sur des citoyens déjà lourdement mis à contribution. En effet, seul 2% de la population suisse possède plus de CHF 2 millions. D’ailleurs, comme cette réforme de la fiscalité successorale alimente le fonds de compensation de l’AVS, elle atténue les futures augmentations de cotisations, une conséquence non négligeable dont le bilan est positif ! Il n’y a d’ailleurs pas de raison de craindre un exode fiscal en regard des taux pratiqués à l’étranger, ni de redouter une baisse de la croissance économique au vu de l’exemple des USA qui pratiquent une imposition successorale importante tout en bénéficiant d’une croissance globalement plus marquée.
Fondamentalement, une imposition des successions est une mesure sociale qui rompt avec la transmission quasi féodale des biens et moyens financiers dans un petit cercle élitiste et hermétique, un moyen de faire participer à la construction de notre “vivre ensemble” celles et ceux qui ont la chance incroyable (non remise en question) de bénéficier d’une somme conséquente qui n’est pas le fruit de leur propre travail.